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Viernes [24 de mayo de 1880]
Querida Señora,
Su carta me ha hecho muy bien, ,pues me encuentro
en un estado moral verdaderamente abatido. Cuanto más la muerte del pobre
Flaubert se aleja, más me acosa su recuerdo, más siento el corazón dolorido y
el alma aislada. Su imagen está sin cesar ante mí, yo lo veo en pie, en su
gran bata marrón que se ampliaba cuando elevaba los brazos al hablar. Todos sus
gestos me vienen, todas sus entonaciones me persiguen, y las frases que tenía
costumbre de decir están en mis oídos como si las hubiese pronunciado
todavía. Es el comienzo de las duras separaciones, de esa desgarradura de
nuestra existencia, donde desaparecen los unos tras los otros, todas las
personas a las que amamos, quiénes estaban en nuestros recuerdos, con las que
podíamos hablar mejor de cosas íntimas.
Estos golpes nos martirizan el alma y dejan un
sufrimiento continuo que se instala en todos nuestros pensamientos.
Mi pobre madre, allá sola, quedó muy afectada, y parece que se encerró
completamente sola en su habitación, durante dos días enteros, llorando. Para
ella, fue el último viejo amigo desaparecido; le queda la vida de ahora en
adelante sin el eco de todos los buenos recuerdos de su juventud; ya no va a
poder recitar jamás con nadie esta « letanía de : ¿Recuerda usted? »
Siento en este momento, de un modo intenso, la
inutilidad de vivir, la esterilidad de todo esfuerzo, la repugnante monotonía
de los acontecimientos y de los sucesos de este aislamiento moral en el que
todos vivimos, pero del que sufría menos cuando podía charlar con él; pues
tenía, como nadie, ese sentido de los filósofos que abre todos los horizontes,
os elevaba el espíritu a las grandes alturas desde donde se contempla la
humanidad entera, desde donde se comprende la «eterna miseria de todo ».
Así son, señora, las cosas tristes, pero las
cosas tristes son más valiosas, a pesar del corazón afligido, que las cosas
indiferentes.
Si el señor Commanville viene por casualidad a
París, estaré encantado de hablar con él. La razón es la siguiente. Lapierre
ha comenzado atolondradamente la colecta1 que ahora se encuentra detenida e
incluso amenazada de ser echada a perder por culpa de esa diligencia un tanto
desconsiderada. Todos los días unos amigos de Flaubert vienen a hablarme
y me preguntan que va usted a hacer. Creo que, para que salga bien, sería
necesario organizarla enseguida, con mucha seriedad. Pero para ello, hace falta
conocer sus intenciones.
Le envío, querida Señora y amiga, mi profunda,
fraternal y respetuosa devoción, y dé, se lo ruego, mis mejores saludos a su
marido.
GUY DE MAUPASSANT
1. Se refiere a una colecta iniciada para homenajear, realizando un busto, a Flaubert. (N. del T.)
Traducción de José M. Ramos González para http://www.iesxunqueira1.com/maupassant
Vendredi [24 mai 1880].
Chère Madame,
Votre lettre m'a fait du bien, car je suis dans
un état moral vraiment triste. Plus la mort du pauvre Flaubert s'éloigne, plus
son souvenir me hante, plus je me sens le cœur endolori et l'esprit isolé. Son
image est sans cesse devant moi, je le vois debout, dans sa grande robe de
chambre brune qui s'élargissait quand il levait les bras en parlant. Tous ses
gestes me reviennent, toutes ses intonations me poursuivent, et des phrases
qu'il avait coutume de dire sont dans mon oreille comme s'il les prononçait
encore. C'est le commencement des dures séparations, de ce dépècement de
notre existence, où disparaissent l'une après l'autre toutes les personnes que
nous aimions, en qui étaient nos souvenirs, avec qui nous pouvions causer le
mieux des choses intimes.
Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue
qui demeure en toutes nos pensées.
Ma pauvre mère, là-bas, a été bien frappée,
et il paraît qu'elle est restée toute seule enfermée dans sa chambre pendant
deux jours entiers, pleurant. Pour elle, c'est le dernier vieil ami disparu ;
c'est la vie désormais sans écho de tous les bons souvenirs de sa jeunesse ;
c'est ne plus jamais pouvoir réciter avec personne cette « llitanie des : Vous
en souvient-il ? »
Je sens en ce moment d'une façon aiguë
l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des
événements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous,
mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui ; car il avait,
comme personne, ce sens des philosophies qui ouvre sur tout des horizons, vous
tient l'esprit aux grandes hauteurs d'où l'on contemple l'humanité entière,
d'où l'on comprend l'« éternelle misère de tout ».
Voilà, madame, des choses tristes, mais les
choses tristes valent mieux, lorsqu'on a le cœur affligé, que les choses
indifférentes.
Si M. Commanville venait par hasard à Paris, je
serais bien aise de causer avec lui. Voici pourquoi. Lapierre a commencé
étourdiment la souscription qui se trouve maintenant arrêtée et même
menacée d'être manquée par suite de cet empressement un peu inconsidéré.
Tous les jours des amis de Flaubert viennent m'en parler et me demandent ce que
vous allez faire. Je crois que, pour réussir, il faudrait organiser cela tout
de suite, très sérieusement. Mais, pour cela, il faut connaître vos
intentions.
Croyez, chère Madame et amie, à mon dévouement
respectueux, profond et fraternel, et présentez, je vous prie, mes meilleurs
compliments à votre mari.
GUY DE MAUPASSANT
Puesto en formato html por Thierry Selva: http://maupassant.free.fr/